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Podcast : la brève histoire d’un nouveau média

En 2003 - la même année que le premier podcast attribué à Chris Lydon - le québécois Bruno Guglielminetti lançait « Les carnets technos » qui sont devenus ensuite le très populaire balado « Mon Carnet », dont chaque édition donne désormais lieu à quelque 10 000 téléchargements et plus.

Avant tout, réglons une chose au sujet des termes podcast et balado.


C’est… la même chose !

Le Québec, soucieux du respect de la langue française, utilise le terme balado qui est la traduction du podcast que les français (de France) et d’autres utilisent plus largement.

La traduction québécoise du terme est d’ailleurs mentionnée par le Larousse qui intègre de son côté le mot podcast.

Pour ce qui est de la création du mot lui-même, tout le monde, ou presque, sait que le terme anglais « podcast » est un mot-valise inventé par le journaliste de la BBC Ben Hammersley en 2004.

Ce mot est le fruit de la contraction d’« iPod » et de « broadcast », signifiant diffusion.

Ceci étant dit, intéressons nous aux origines de ce phénomène dont les pionniers ne sont peut-être pas ceux dont parlent la majorité des articles sur le sujet…

Un nouveau média, vraiment ?

Avant d’en venir aux faits, avez-vous remarqué comme on présente souvent le podcast comme « un nouveau média » ?

Pourtant, autant au Québec qu’aux États-Unis ou en France, la baladodiffusion n’est pas née d’hier même si le succès phénoménal de Serial dès sa sortie en 2014 — cinq millions de téléchargements et d’écoutes en quelques semaines à peine — a pu laisser penser à beaucoup de gens qu’il s’agissait d’un nouveau médium dans le milieu audionumérique…

Il faut dire qu’il y a six ans, l’univers des podcasts n’était encore qu’une galaxie inconnue dans laquelle naviguaient sur le Web d’étranges productions sonores dont on se demandait en premier lieu comment faire pour les écouter…

Mais revenons en arrière de plusieurs décennies, pour suivre la trace des pionniers d’un nouveau genre.

Les véritables pionniers et pionnières


Dans son très intéressant livre Créer son podcast pour les nuls, Pénélope Boeuf, cite Chris Lydon, journaliste américain, comme premier podcasteur de l’histoire en 2003… Celui-ci est en effet, selon plusieurs sources, crédité comme tel…

Mais osons questionner l’histoire et revenons presque une décennie plus tôt au Québec, haut lieu de l’innovation techno, pour évoquer des noms qui devraient eux aussi très certainement figurer dans les livres d’histoire sur le podcasting.

En juin 1995, le magazine radiophonique Radionet@ fut l’un des premier du genre. Il était diffusé sur la Première chaîne de Radio-Canada ainsi qu’en Real audio Player et était animé par Claude Bernatchez.

Réalisateur à l’origine du projet, Bruno Guglielminetti met aussi en ligne une « version longue » de l’émission qui pouvait être écoutée depuis un site web et même téléchargée…

Les puristes diront que ce n’était pas tout à fait du balado puisque le RSS n’était pas encore inventé…

Et le RSS fut !

L’aventure du podcasting ne pourrait exister aujourd’hui sans l’invention du flux RSS, inventé par Dave Winer.

Le RSS (Really Simple Syndication) est apparu à l’aube des années 2000, marquant ainsi le début de la syndication de contenu et l’ère des agrégateurs.

Avec eux, les débuts du podcasting…

Ceux et celles qui, bien avant cette date, avaient crée du contenu numérique tenaient alors enfin un moyen de partager, diffuser et actualiser très simplement ce contenu pour leur auditoire.

Bruno Gulglielminetti et l’équipe de Radionet@, avec la mise en ligne d’une version longue de 45 minutes d’une émission de radio qui ne durait elle-même que 30 minutes, étaient alors en train de faire ce qu’on appelle aujourd’hui un podcast…

Dès le début, cette émission numérique atteignit les 2000 téléchargements par semaine, un chiffre qui ferait envie encore aujourd’hui à beaucoup de ceux et de celles qui se lancent dans la création de contenu sous cette forme…

Québécois et américains au coude à coude

En 2003 – la même année que le premier podcast attribué à Chris Lydon – Bruno Guglielminetti lançait « Les carnets technos » qui sont devenus ensuite le très populaire balado « Mon Carnet », dont chaque édition donne désormais lieu à quelque 10 000 téléchargements et plus.

Selon Sylvain Grand’Maison, auteur du balado « QUÉBECBALADO », créé en 2006, et grand connaisseur du monde de la baladodiffusion, l’un des tous premiers balados québécois serait « In over your head », crée par Julien Smith (aujourd’hui à la tête de l’entreprise Breather) en septembre 2004.

Il est suivi de près par le balado de discussion « Bob and the AJ show » de Bob Goyetche et son coanimateur André Jean.

Bien que les créateurs de ces premiers balados mis en ligne dans la province soient québécois francophones et bilingues, leurs émissions étaient toutes deux en anglais.

La première vague francophone

Sylvain Grand’Maison, qui a bien connu Bob Goyetche, aujourd’hui décédé, se souvient des raisons qui l’ont poussé à se lancer dans l’aventure du balado. « Goyetche et André Jean ont commencé à faire du podcast à cause de la grève dans la LNH qui a mené à l’annulation complète de la saison 2004-2005. Ils ne savaient plus quoi faire de leurs soirées et Bob, qui travaillait chez IBM et était très geek, avait entendu parler du podcasting. Comme ils avaient fait de la radio pirate et que Bob faisait de la musique, ils avaient tout l’équipement qu’il fallait pour le podcasting. »

Au cours de la même période, Marie-Chantal Turgeon lançait, après avoir tenu un blogue pendant plusieurs années, son balado « Vu d’ici » qui traitait de la musique émergente au Québec.

Et tandis que la webradio ARTE Radio, considérée comme l’une des pionnières du balado en France, mettait en ligne ses premiers balados, pendant ce temps aux États-Unis, le PEW Research Center notait en 2005 que sur les 22 millions d’Américains en possession de baladeurs numériques, déjà 6 millions téléchargent régulièrement des podcasts. Une étude de Madden & Jones montre qu’en 2008, 19 % des utilisateurs d’Internet téléchargent déjà des balados.

Pourtant, ainsi que le souligne au Québec en 2010 Mélanie Millette dans l’ouvrage collectif Web social, mutation de la communication : « le podcasting reste l’un des phénomènes les moins étudiés des usages du Web participatif ».

Et d’ajouter que : « les rares chercheurs qui s’y intéressent ne s’entendent pas sur une définition de ce qu’est le podcasting. » Une réflexion qui est encore d’actualité !

…puis iTunes arriva

Pour Sylvain Grand’Maison autant que pour Bruno Guglielminetti, le véritable tournant dans l’histoire du podcast se situe en 2005 lorsqu’iTunes (devenu depuis l’application Balados) a pour la première fois intégré le balado à son offre numérique.

En ouvrant ses portes à cette nouvelle forme de contenu, iTunes offrait en effet à la baladodiffusion un accès sans précédent à un large public déjà acquis à l’utilisation de l’application d’Apple.

On comprend ainsi que chaque fois qu’une barrière numérique tombe, (invention du baladeur numérique et ouverture d’iTunes au balado) le « produit » audionumérique progresse en touchant une clientèle plus large et plus diversifiée.

Mais de l’auditeur un peu techno au néophyte, il y avait encore un grand pas à franchir. Et comme pour tout produit, la marche est très haute entre les primo adoptants et le marché de masse.

C’est là que le succès de Serialauprès d’un public plus large que jamais auparavant a certainement joué un grand rôle dans la démocratisation du balado… mais pas seulement.

De l’ombre à la lumière

C’est devenu un lieu commun de dire qu’il y a eu un avant et un après Serial…

Même s’il n’est pas tout à fait exact de tout mettre sur le compte du succès phénoménal de ce podcast.

Comme le rappelle Bruno Guglielminetti : « Ce qui a aidé au succès de Serial, c’est lorsque les médias traditionnels se sont mis à en parler ». Il est en effet intéressant de souligner que bien que les podcasts aient tracé leur propre voie en marge des médias traditionnels, ce sont ces derniers qui ont probablement été l’un des leviers les plus importants sur la route du succès du podcasting auprès du public.

Désormais, de nombreux journaux et magazines leur ont ouvert leurs pages et publient régulièrement des articles et des critiques sur les derniers podcasts en ligne tout comme ils le font avec le cinéma et Netflix.

On ne compte plus les festivals, concours et prix destinés au podcasting ou qui ont ouverts leurs portes à la production audionumérique.

En France, il existe même un magazine papier – en mini format – nommé Le Pod, qui est uniquement consacré aux podcasts

Enfin, pour la première fois depuis sa création, le prestigieux prix Pulitzer a été décerné cette année à une enquête journalistique en en podcasting !

Selon les derniers chiffres de Médiamétrie en France, le podcast cumule plus de 85 millions d’écoutes en juillet 2021.

Difficile désormais de douter de l’avenir de ce médium qui n’est finalement pas si nouveau sur le marché, mais dont le succès auprès du public augmente de façon exponentielle, année après année.

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